Help me if you can, I'm feeling down ;
Sarah & Holly Everglow.

Gabriel me manque. Gabriel me manque. Gabriel me manque. Les mots résonnent longuement dans ma tête. Voilà seulement deux jours qu’il est parti et je n’en peux déjà plus. Mon amour me manque, c’est plus fort que moi. Toute ma vie tourne autour de lui, depuis quelques temps. Journées avec lui, soirées avec lui… Le manque est cruel, perfide et me touche en plein cœur. En plus, tout va mal entre nous. Depuis que je sais qu’il est un ‘lycan’, plus rien n’est comme avant. Je sais que c’est moi qui ai décidé ça, cette pause, mais elle me fait mal quand même. Très mal. Il m’obsède. Il occupe mes pensées tous les jours, toutes les heures. Je ne peux oublier son regard, sa peau, ses baisers. Rien que d’y penser… J’ai vraiment besoin de lui, de le voir, de sentir la chaleur de son corps. Je ne sais pas quoi faire ce soir. Étrangement, j’ai envie de sortir. De voir de nouvelles têtes. De parler à de nouvelles personnes. De découvrir un lieu que je ne connais pas. Pourquoi pas un bar ? J’ai un besoin fou de m’aérer l’esprit. Pourquoi ne pas oublier Gabriel, le temps d’une soirée ? Une toute petite soirée, loin de ces bras imaginaires qui m’enserrent, loin de son image qui me hante.

Je jette un coup d’œil à mon réveil. Il est un peu plus de vingt heures, soit l’heure idéale pour sortir sans risque. Je ne compte pas me perdre dans un quartier inconnu. Je vais rester dans mon quartier, celui-ci même que mon père contrôle et dans lequel je ne risque absolument rien. Mon univers. Mes rues. Je connais tout ça depuis que je suis née (du moins, c’est l’impression que j’ai !). Après avoir pris une longue douche chaude, j’enfile une robe noire qui m’arrive au dessus du genou et je me maquille légèrement. Placée en face du miroir, je m’observe longuement. Je crois que je suis jolie. Vraiment. Et ça tombe bien, car ce soir, j’ai follement envie que l’on me regarde. Pas que l’on me désire, non, loin de là : j’aurais bien trop peur des conséquences. Je voudrais juste attirer les yeux de ces hommes. J’enfile une petite veste légère avant de préparer mon sac. Je réfléchis quelques secondes, pensant au mensonge que je vais bien pouvoir servir à mon père. C’est vrai, je suis une grande fille, mais une grande fille encore très surveillée. Il doit être au travail, encore. Je sors une feuille blanche sur laquelle j’écris, de mon écriture fine et ronde : « Ce soir, je sors avec Ilyas. Ne vous inquiétez pas pour moi. Je vous embrasse, Holly. » Je pense que ça suffira. De toute façon, j’ai mon Iphone sur moi, en cas de problème. Il sait que je suis joignable 24h/24. Il le sait, car il m’appelle souvent. Je ne sais pas si c’est par manque de confiance, ou juste parce qu’il s’inquiète pour moi. J’espère que c’est la deuxième solution. Je pense me comporter assez bien pour qu’il ai confiance en moi.

Je jette un coup d’œil circulaire à ma chambre. Est-ce que j’ai oublié quelque chose ? Je ne pense pas. Je sors, sûre de moi. Pour une fois, pas de journalistes sur le pas de ma porte. Ca fait du bien. Je réfléchis un instant. Si je sors ici, je ne pourrais que croiser des gens que je connais, qui auront déjà une opinion toute faite sur moi, qui me surveilleront. Je prends même le risque immense de croiser des journalistes, qui viendront me poser leurs questions idiotes. Je n’ai pas envie de ça. Pas ce soir. Et Gabriel n’est pas là pour les envoyer balader (c’est fou, tout tourne vraiment autour de lui chez moi ! je suis incapable de m’en sortir toute seule, il faut croire !). Je ferais mieux de me diriger vers un endroit moins connu, si je ne veux pas avoir à faire à des pots de colle. Bien que l’idée du danger m’arracher un frisson, je quitte la Gold Coast, un sourire plus ou moins assuré scotché sur le visage. Je n’ai pas l’habitude de me balader seule. D’habitude, je suis accompagnée d’Ilyas ou de Gabriel, ou même d’une amie en cas de virée shopping. Jamais seule. Je me sens libre et ça fait du bien. Je respire l’air frais, presque heureuse.

Deux heures plus tard, je suis affalée sur le bar d’un petit bistrot un peu sombre. Je suis sûre que je n’ai pas commencé la soirée ici, mais je ne sais pas comment j’ai atterri dans ce lieu. Je m’en fiche. Je crois que je suis un peu bourrée. Je ne voulais pas boire, mais ce n’est pas de ma faute ! Tout le monde m’offre des verres. Le premier, c’était un magnifique cocktail, très coloré. Pour tout vous avouer, je croyais que ce n’était que du jus de fruit. Et puis… Non ! Et comme je ne tiens absolument pas à l’alcool (nouvelle du jour, après deux verres, je suis déjà joyeuse, prête à monter sur une table pour danser !), je suis dans un état pitoyable. Le pire, c’est que je ne m’en rends même pas compte. J’ai l’impression d’être normal. Lucide et tout ce qui va avec. Je fais un immense sourire au barman, qui s’agite sous mes yeux, avec une agilité déconcertant. Je ne remarque même pas qu’un jeune homme s’assoit sur le tabouret, voisin du mien. Je continue de siroter mon verre, empli d’un liquide rosé dont je ne saurais dire le nom. L’alcool me donne une vision assez agréable du monde : tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. Et tout le monde tourne un peu, aussi, mais ça ne me dérange pas trop.

Une main froide atterrit sur mon épaule. Je ne sursaute pas. Je me retourne. Ce n’est que mon voisin, qui me sert son immense sourire blanc. Quel âge peut-il avoir ? Bonne question. Je ne sais pas. Il est quand même très séduisant ! Je ne remarque pas l’étrange couleur de sa boisson et encore moins celle de ses pupilles.

Être vampire devient lassant, je vous assure. L'intérêt de ne pas être immortel, c'est de se dire qu'on peut mourir à tous moments, alors on profite des moindres petits instants que l'on vit. Depuis que je suis devenue sang froid, je ne trouve plus aucun intérêt pour rien. Pas même pour la vie, pas même pour ces petits instants agréables, aussi rares soient-ils. Je suis lassée, blasée de tout ça. Pourquoi croyez-vous que j'en suis arrivée à tuer n'importe qui juste pour trouver un peu d'amusement ? Oui, c'est dégueulasse. Oui, c'est égoïste. Mais qu'est-ce que j'en ai à faire. Je n'ai pas choisis d'être ce que je suis aujourd'hui. Si seulement il m'avait laissé ma vie d'avant... J'ai l'impression de me contredire à chaque fois. J'avoue ne plus savoir ce que je veux. Plus du tout. Est-ce que mon ancienne vie me manque réellement ? Ou est-ce seulement en rapport avec certaines choses que je ne peux plus faire maintenant que je suis vampire ? Je crois que dans un sens, je connais la réponse. Holly. C'est bien la seule chose qui m'exaspère vraiment. Pourtant, devoir vivre dans l'ombre de ma famille n'a jamais été un grand problème pour moi, puisque ça a toujours fonctionné de cette façon.

Comme à mon habitude, près d'une heure après le coucher du soleil, je me décide enfin à sortir. Je ne sais jamais vraiment à l'avance ce que j'ai l'intention de faire de ma nuit. Je change selon mes humeurs du moment. Et ce soir, j'ai besoin de penser à autre chose. J'ai besoin de me changer un peu les idées. J'en ai assez de me prendre la tête avec cette histoire. M'apitoyer sur mon sort ne m'aidera pas à changer. Au contraire. Et c'est en trainant des pieds, que je me rends finalement au Bloody Mary, sans grande envie, seulement pour occuper quelques heures. Le bar n'est pas très rempli. Je repère rapidement les habitués, ainsi que les nouvelles têtes, principalement des humains tout excités de se retrouver ici. Allez savoir pourquoi. Je m'installe au comptoir, après avoir demandé un verre de SAP A négatif. Même si je n'aime pas cette boisson, c'est bien la seule chose qui peut me nourrir pour le moment. Je n'ai pas envie de me trouver un repas ce soir. Et c'est plutôt rare. Habituellement je serais déjà en train de chercher où diner, si vous voyez ce que je veux dire. Mais je n'ai pas faim, trop de pensées viennent m'embrouiller l'esprit. J'ai horreur d'être dans cet état. Faible. C'est le mot exact. Un long soupire m'échappe, lorsque mon verre vient enfin se poser devant moi. Je le prends d'un geste lent, avant de boire une gorgée.

Je crois que j'aurais passé la soirée avec mes idées noires, si elle n'était pas arrivée. Alors que je viens de terminer mon verre, une présence dans le bar me rends aussitôt mal à l'aise. Je n'ai pas besoin de la chercher du regard pour savoir où elle est, ni comment elle est. L'inquiétude me gagne. Mais qu'est-ce qu'elle vient faire dans cet endroit ! C'est impossible ! Elle risque sa vie en mettant un pied dans ce bar. Ne serait-ce que par sa tête. Tout le monde la connait ! "La fille de la secte". Ces mots murmurés par une jeune vampire derrière moi ne font que m'inquiéter encore plus. J'ose enfin regarder dans sa direction. Holly vient de s'installer au bar. Inutile de dire qu'elle est dans un mauvais état, sinon elle ne serait jamais entré ici. Moi qui pensais passer une soirée de merde, je n'imaginais pas qu'elle le serait à ce point là. Si je ne sors pas rapidement Holly de cet endroit, je ne préfère pas savoir ce qui se passera. Quasiment tous les regards des vampires présents dans le bar sont tournés vers elle. Ils l'ont reconnue, évidemment, hormis le barman visiblement. L'un d'entre eux vient s'installer près d'elle. Et alors que je croyais à des règlements de compte à ce sujet, celui-ci se met à la charmer. Il ne manquait plus que ça. Le verre que je tenais toujours dans ma main se brise subitement. Mauvais contrôle de nerfs. Un vampire qui drague ma sœur. Déjà que je ne supporte pas qu'un lycan puisse vivre avec elle... Mon regard devient noir, mais je tente de me calmer, juste le temps de trouver une solution.

Il ne suffit que de quelques minutes, pour que le vampire arrive à convaincre Holly de sortir, certainement pour être plus tranquille avec elle. Sans vraiment réfléchir, je me lève aussi, les suivant de près, mais en me faisant discrète. Je ne sais pas vraiment ce que j'ai l'intention de faire. Comment agir, sans que Holly ne me voit ? Sur ce coup, c'est impossible. Habituellement, j'arrive toujours à me débrouiller pour rester dans l'ombre, mais cette fois, je n'aurais pas le choix. Soit je laisse ce vampire tuer ma sœur, soit je la sauve, au risque qu'elle me reconnaisse. Avec un peu de chance, vu l'état dans lequel elle se trouve, elle n'y fera même pas attention. De toutes manières, mon choix est déjà fait. Une fois que je me serais débarrassé de ce type, je la ramène. Je ne veux surtout pas qu'elle reste dans les parages. Il y a beaucoup trop de vampires, et elle n'est pas dans son état habituel. Une proie beaucoup trop facile, sans parler du fait qu'elle dirige la Secte, raison de plus pour ne pas la laisser seule.

Ils sortent. Holly le suit, totalement inconsciente du danger qui l'entoure. Pour le moment, je ne fais que canaliser ma colère, restant à quelques mètres derrière eux. Il la tient par la main, lui parlant comme à une enfant. C'est si facile de tomber dans le panneau, et encore plus avec de l'alcool dans le sang. Sûr de son coup, le vampire l'entraine un peu plus loin, sans difficultés. Je ne les quitte pas un seul instant du regard, prête à bondir sur lui s'il ose l'approcher d'un peu trop près. Une fois tournés dans une ruelle plus étroite, j'accélère le pas. Holly marche devant lui. Je profite alors de cette occasion pour me glisser derrière lui, et lui prend la tête, avant de lui briser la nuque, d'un geste étonnement rapide, ce qui suffit à le tuer. Putain ce que ça fait du bien. La colère laisse maintenant place au malaise. Holly vient de se retourner vers moi. Est-ce qu'elle va me reconnaître ou non ? Comment va-t-elle réagir ? Je pense à ce moment depuis tellement longtemps... Le jour où je pourrais enfin me tenir devant elle, et lui parler. Sauf que, bien évidemment, je n'aurai pas vraiment imaginé que ce soit dans ce genre de situation. Ce n'est pas la meilleure, mais je ne peux plus reculer. Alors je prends sur moi, et tente de garder un ton neutre, voire hostile. « Tu devrais pas être ici. Cet endroit grouille de vampires ! » Oui, j'en suis une aussi, mais contrairement aux autres, je ne suis pas là pour la vider de son sang. « Je te ramène chez toi. C'est trop dangereux. » Sans vraiment lui laisser le choix, je l'attrape par la manche et commence à la tirer pour l'obliger à me suivre. J'aurai préféré me comporter de façon beaucoup plus aimable envers elle, mais étant donné qu'elle est soûle... Je ne sais même pas si elle m'a reconnue, elle n'a rien dit, c'est à peine si elle a réagit à la scène, il faut dire que je ne lui ai pas laissé le temps non plus...