On avait prévu une soirée avec Henry. Mais de là à dire que nous serions tous les deux je ne sais pas. Henry est le genre à prévoir un truc, sans le prévoir. RDV chambre 208 pouvait signifier tout simplement que je devais m'y rendre, sans poser la moindre questions, sans demander non plus qui y serait vu qu'il n'en n'avait pas la moindre idée. Tout se faisait sur le moment, et sa spontanéitée avait tendance à me les briser si vous voyez ce que je veux dire. J'étais amoureuse d'Henry, d'une façon pathétiquement commune. Comme une humaine. Je suis sa "propriété", je lui appartiens, je peux tout lui demander en échange d'une chose : mon sang. A commencer par sa protection. Seulement ce n'est pas le genre de mecs que l'on enferme, ce serait plutôt du genre électron libre, je m'en foutiste et je me sers quand bon me semble. Pas de remords, pas d'habitudes, aucuns regrets, jamais. Ah ça pour sûr un ulcère à l'estomac ne risque pas de le faire succomber. Les autres s'inquiétaient pour lui, s'en faisaient pour son compte quand il ne répondait pas à son portable, chose qu'il faisait rarement étant donné qu'il était très demandé. Henry avait toujours vécu avec le monde à ses pieds, pourquoi en serait-il autrement aujourd'hui ?
Je m'y étais faite, je m'étais trouvée une raison de vivre et d'exister, remarque je vivais aussi pour la musique mais la musique sans Henry n'est rien alors... Je déteste l'idée d'être aussi dépendante d'un homme, encore moins de lui, et de son attitude typiquement machiste. Mais je ne suis qu'une faible et pauvre humaine. Pauvre d'âme tient !
Il m'avait donné RDV ici, à quelle heure... Grand mystère. Il est un peu plus de 20 h, on vit la nuit, ce n'est pas spécialement en rapport avec sa condition vampirique, nous étions des musicos, tout simplement.
La clée tourne dans la porte, je jette mon sac sur le lit, et m'y jette par la même occasion. Enfin le lit... Un futon posé que sol, des coussins jetés tout autour, ça donne un côté cosi, que j'aime beaucoup. Mais depuis qu'il est avec Kristy, je n'ai plus grand espoir qu'il me fasse une surprise de ce genre. Je reconnais néanmoins le genre de choses qu'il aime, ce style de meubles, cette suite là en particulier.
23 h... Excédée j'harcèle Henry au téléphone jusqu'à ce qu'il ne daigne décrocher. Pour au final... Quoi ? Il ose me poser un lapin ??? Pour Kristy ? Je le tue maintenant ou bien j'attend encore un peu ? Je l'envoi littéralement chier, soupire et raccroche. Je jette à nouveau mon portable sur le lit, me vautre contre les coussins et allume la télé.
Quand quelques minutes plus tard, la porte se réouvre, non pas sur Henry, mais sur sarah, sa meilleure amie. Je n'ai jamais ressentie de jalousie envers elle, paradoxalement. Ils sont très proches, trop proches pour que ça soit une vraie histoire d'amour, plutôt une réelle histoire d'amitié et je respecte ça, c'est une des rares choses d'ailleurs.
Je ne lève même pas la tête et zappe bêtement.

- Je vois que je ne suis pas la seule victime du manque de correction de cet abruti, il ferait presque des progrès.

Je soupire une nouvelle fois et lance la télécommande à côté de moi pour m'allumer une cigarette.

- Tu restes ?

22h. Appel de la part d'Henry, pour me donner rendez vous dans un hôtel. Il me donne pour seuls détails le nom de celui-ci, et la chambre. Et c'est tout. A croire que ça lui prend comme ça, d'un seul coup. J'ai l'habitude avec lui, qu'il me prévienne toujours au dernier moment pour se voir. Heureusement pour lui, je n'ai jamais rien de prévu de plus important, mis à part trainer dans des bars, m'amuser un peu, ou simplement rester à l'appartement et attendre que le temps passe. Je n'ai jamais dis que ma vie était palpitante. Elle se résume à m'occuper de gamins pendant le jour, et à draguer et chercher du sang pendant la nuit. Rien qui sorte de l'ordinaire je dirais. C'est pourquoi lorsqu'Henry me fait des plans de ce genre, je ne suis jamais contre sortir un peu de ma routine pour lui rendre visite.

A l'instant où il m'a appelé, j'étais au Bloody Mary, en train de siroter un verre de SAP. Et maintenant, je suis à la recherche de ce fameux hôtel. Et qui dit rendez-vous dans cet endroit, signifie forcément que nous ne serons pas seuls tous les deux. J'ignore avec qui, mais quelque chose me dit que nous resterons tout de même en petit comité. Tant mieux. Je n'aime pas forcément les personnes avec qui il traine, mais avec lui je n'ai jamais vraiment le choix. Ce type est d'un manque de tact, en particulier avec les filles. Il sait s'y faire pour draguer, pour sûr, on ne peut pas dire le contraire. Mais pour ce qui est du reste, c'est une autre histoire. Voilà enfin l'hôtel, je prends mon temps, le connaissant, je suis sûre qu'il n'est même pas encore arrivé... Je soupire pour la énième fois, maintenant dans l'ascenseur. Ceux qui ne me connaissent pas pourraient croire que je passe mon temps à m'énerver et à me plaindre. Et c'est le cas, c'est vrai, quand je suis seule, j'ai l'air blasée. C'est ma façon d'être, et c'est extrêmement emmerdant, je ne vous le fais pas dire.

J'arrive enfin au bon étage, dans un sens, impatiente de voir sur qui je vais tomber dans la chambre. Est-ce qu'il est déjà là ? Est-ce que je suis la première ? Ça m'étonnerais. Je m'avance tranquillement dans le couloir, mes talons claquent sur le sol d'un rythme régulier. J'ai seulement quelques minutes de retard, mais peu importe, je pense qu'il est déjà bien occupé, soit dans la chambre en compagnie des autres, soit autre part, avant de se décider à venir... Chambre 208, enfin. Je me permets d'entrer, c'est étrangement silencieux, un peu trop je dirais. Et en effet, dans la pièce, il n'y a qu'une personne. Maddison. J'arque un sourcils, regardant autour de moi pour vérifier que je ne suis pas aveugle et qu'il n'y a bien que nous deux. C'est quoi cette blague ?! Où est Henry ? « Je vois que je ne suis pas la seule victime du manque de correction de cet abruti, il ferait presque des progrès. » Je comprends rapidement ce qu'elle veut dire. Évidemment, il ne viendra pas. Ou bien dans 3 heures, qui sait. Je ne sais pas depuis combien de temps elle attend, mais elle semble plutôt sur les nerfs. Encore un soupire de ma part. « Tu restes ? » Je n'ai pas fais tout ce chemin pour repartir maintenant. Encore heureux que Maddison soit là, si j'avais trouvé la chambre totalement vide, j'aurais réagis autrement. Henry en aurait prit pour son grade, mais puisque je ne suis pas seule... « Je serais pas venue pour rien au moins. »

Je laisse tomber mon manteau sur le lit, avant de m'asseoir à côté de Maddison. Je crois bien que c'est la première fois qu'on se retrouve seulement toutes les deux dans la même pièce. En général, Henry est toujours dans les parages, ou quelqu'un d'autre. Je n'ai rien contre elle ! Bien qu'elle fasse partie du groupe et que j'ai beaucoup de mal à m'entendre avec eux, mis à part Henry. Dans un sens, je dois même avouer que je l'admire. D'avoir autant de patience pour ce mec. Je ne sais pas exactement ce qui se passe entre eux, ce ne sont pas mes affaires. Henry me parle d'elle, ça lui arrive, je sais comment il se comporte avec elle, et je trouve ça plutôt dégueulasse de sa part. Traiter une femme de cette façon... Enfin, c'est Henry, quoi. Heureusement pour lui, qu'il n'est pas comme ça avec moi. Je m'appuie sur mes mains en me penchant légèrement en arrière après avoir croisé les jambes, et jète un regard en direction de Maddison, qui fume sa cigarette. « Ça fait combien de temps que t'es arrivée ? Je sais même pas pourquoi il a donné rendez-vous ici, si c'est pour nous laisser en plan... »

Nous avons l'habitude de la façon de se comporter d'Henry. Entre filles je veux dire. Je sais que je ne suis pas la seule qu'il cotoie, mais Sarah c'est différent, c'est sa meilleure amie. Je ne sais pas s'ils ont déjà couchés ensemble ou bien s'ils le font régulièrement, mais disons que je n'ai pas peur de le perdre avec elle. Non pas qu'elle n'ait pas tout pour elle, au contraire, mais Henry pose un regard différent sur elle, c'est sa meilleure amie, et il y tient, plus qu'aux filles avec qui il couche. C'est paradoxal mais ça me rassure, au moins il ne risque pas de se barrer loin de moi. Non ce n'est pas égoïste, en ce moment il fricotte avec Kristy, ce prototype de petite fille modèle qui bosse au journal. Elle nous interviewe de temps en temps, ce n'est pas pour me plaire, parce que cette fois ci le regard d'Henry est tout sauf amical. Je dois dire que ça ne me rassure pas, elle est disons... Empreinte du besoin de me faire chier ! Ca doit être ça. Je ne sais pas ce qui se passe dans sa tête mais elle ne cherche pas à rester en bon termes, ça c'est sûr. Alors OK elle ne provoque pas ouvertement, mais c'est pire, parce que j'ai envie de lui faire ravaler ces dents à cette sainte nitouche. Pas si sainte que ça d'après ce que je sais d'ailleurs. Enfin bref, laissons tomber, ça va m'énerver.

Sarah est là, autant qu'on profite de la chambre pré payée toutes les deux, de toute façon cet abruti (et je trouve que le surnom lui va plutôt bien pour la soirée) ne daignera sans doute pas se pointer de la soirée. Il doit être avec elle, rien que cette pensée me ferait sortir de mes gonds. Je peux le faire décoller en un baiser, le faire grimper au rideaux avec une arme secrète qu'à partir du moment où une femme la maîtrise, elle devient maîtresse du monde, et de plusieurs hommes d'ailleurs ! Ca s'appelle la séduction. Je ne vois pas trop où il trouve son sex appeal... On dirait une poupée de collection qui a peur de sortir de sa boite. Comparée à moi qui serait plutôt la poupée gonflable du sex shop d'en bas. Enfin bref, les hommes sont difficiles à comprendre, voila pourquoi ça aurait été beaucoup plus simple si j'avais aimé les femmes ! Encore que...
Elle s'assied à mes côtés et me demande depuis combien de temps j'attends ainsi.

3 H, peut être 4 maintenant...

Zappant nerveusement sur les chaînes du câble, toutes plus inintéressantes les unes que les autres, la télé est vraiment un truc de mec. Comment peut on programmer autant de chaînes sur le catch ??? C'est quelque-chose que j'ai du mal à saisir. Pensent ils encore que les femmes sont en train de corver dans la cuisine à cette heure là ? Il faudrait songer à changer les mentalités. Oui, vous êtes tombé sur une féministe, de la première heure, alors forcément ça le fait moyen quand on remarque que le monde est dirigé par un machisme exacerbé. Tout comme en prouve le parfait exemple ce soir notre admirable chanteur. Henry est un homme qui sait mieux que quiconque comment jouer le salaud de base. Enfin bref, je l'ai voulu, je l'ai eu !

Je ne sais pas non plus mais je vais lui faire passer l'envie de recommencer, j'espère pour lui que sa pute est bonne parce qu'il va le payer en bonne et due forme. Façon Maddie, il va comprendre.

J'ai plusieurs idées. Lui faire la gueule ce serait trop doux pour lui, le priver de sexe reviendrait à me priver aussi, mais j'ai des tas de tortures du genre, de quoi m'amuser, et j'adore jouer, en particulier avec lui. Il ne me résiste que très rarement, quant à elle, le seul problème est de ne pas pouvoir la toucher sans qu'on ne sache que c'est moi.

Un p'tit joint histoire de faire passer le temps ? J'ai plus que ça...

Sortant une de ces cigarettes miracles aux herbes exotiques de mon sac. Je n'ai plus grand chose sur moi, pourtant je me dope pas mal, mais avec un père flic, ou plutôt chef de la police, on évite de faire traîner tout et n'importe quoi dans le fond de sa chambre.