Même avant de savoir tout de ce qu'Hadrien avait pu me raconter, j'avais toujours aimé trainer dans Humboldt Park. Peut être que je m'y sentais connecté sans en comprendre vraiment les raisons. Je ne craignais rien dans l'endroit, même si je ne suivais pas leurs règles, les lycans ne s'en prendraient pas à moi car j'étais l'un des leurs, et je faisais parti d'une lignée spéciale apparemment, même si j'avais toujours pensé que mon cher grand père se vantait plus qu'autre chose pour le coup. Je doutais réellement faire partie de la lignée originelle, même si il ne m'avait pas fallu une morsure, mais que la mutation était inscrite dans mes gênes. Cependant, alors que j'avais pris le même chemin que je prenais souvent lors de mes balades nocturnes, je constatais que les alentours étaient bien plus déserts qu'auparavant. Bon nombre des membres de ma petite communauté avait déserté les lieux après les manipulations d'Helios, les autres étaient occupés à errer dans des endroits plus propices à trouver des vampires. Un comble de savoir que le parc où les lycans aimaient en général se rassemblaient été probablement devenu un des endroits les plus surs pour les vampires en ce moment. Parce qu'aucun ne serrait assez culottés pour venir sur leur territoire. J'enfonçais les mains dans les poches de mon manteau, laissant l'air frais fouettait mon visage. Je n'avais aucune idée pourquoi cette querelle continuait mais je savais aussi que même si j'étais maudis, je ne voulais pas être le pion d'une animosité dont je ne savais rien. Hadrien avait tenté de m'expliquer les origines du conflit, mais j'avais refusé de l'écouter, Hannah avait échoué aussi. A quoi, cela me servirait il après tout, je n'étais pas né quand cette guerre secrète et éternelle avait commencé, je ne me sentais pas concerné. Hadrien était furieux de me voir regner mon patrimoine, mais je savais qu'il ne me ferait rien, il avait beau paraitre froid, cruel et sans pitié, sa lignée lui inspirait un sentiment proche de la tendresse. Sinon, mon père n'aurait probablement jamais vécu après avoir si honteusement tourné le dos aux siens.

Je regrettais maintenant de ne pas avoir pris mon ipod, un peu de musique aurait certainement attenué l'expression effrayante de ce silence. Il fallait dire que la solitude finissait par me peser depuis que ma seule famille, avait fui la ville. Et c'était dire que les regretter était étrange, je ne les comprenais pas, et quelque part, ils me terrifiaient, mais c'était toujours une présence comme une autre. J'aurais peut être moins ce sentiment si j'arrêtais un peu de refuser avec telle force ce que j'étais mais j'étais si confus, c'était la solution la plus simple pour moi. Et puis, ces vampires n'avaient rien de plus à se reprocher que les lycans si on prenait cinq minutes pour y réfléchir. Si je ne m'enfermais pas chaque nuit de pleine lune, qui saurait combien de personne je pourrais blesser, étant donné que je ne maitriser nullement mon potentiel. J'aurais pu laissé les miens m'entrainaient, m'apprendre mais j'avais tellement peur d'y perdre mon libre arbitre. Il me suffisait d'être prudent pour réduire les dommages collatéraux. J'en étais là de mes pensées quand un bruit m'arracha de ma contemplatation.

Je relevais un regard intrigué sur le parc désert, je ne voyais personne mais pourtant j'aurais juré avoir ressenti une présence non loin de moi. C'était étrange et probablement un de ses instints qui auraient pu n'être qu'humain. Mais maintenant, je ne savais plus, et quand je me retournais, ce fut pour apercevoir la petite blonde, face à moi. J'amorçais un sourire désarçonné, je devais vraiment être englué dans mes pensées pour ne pas l'avoir entendu me suivre. " Hey " articulais je, un peu lamentablement mais tentant toujours de comprendre ce qu'elle pouvait faire ici.

Toute vie doit posséder un but. Toute existence doit avoir des objectifs. Tout être doit être motivé par quelque chose pour avancer. Ainsi, une fois face à la mort, on peut se montrer fier de ce que l'on a accompli. Encore faut-il un jour croiser la mort, et que cette dernière se décide à vous envelopper de son voile noir, éternel et troublant. Je l'avais vu, puis on me l'avait retiré. Mon cœur avait cessé de battre, et pourtant mes poumons s'emplissaient encore d'air, mes paupières clignaient, mes sens étaient à l'affût. Je n'avais plus rien d'humain, hormis la forme et les courbes. Avec le temps mon humanité toute entière, mes sentiments et ma morale, s'étaient eux aussi fait la malle ! Les regrettais-je pour autant ? Pas à ce que je m'en souvienne... Alors qu'est-ce qui me faisait tenir debout, puisque je n'avais plus à craindre la mort ? Mes objectifs aspiraient au pouvoir, à la domination, au jeu... J'avançais pour conquérir un monde que je voulais miens. Mon esprit tyrannique faisait des siennes et mon comportement de petite fille capricieuse m'aidait à vouloir toujours plus que ce que j'avais entre les mains. J'étais ainsi, et rien ne semblait capable de me faire changer. Rien, ni personne. Même s'il l'avait désiré du plus profond de son être, mon frère -la personne qui a le plus d'influence sur ma petite personne- n'aurait rien pu faire pour moi. Fort heureusement, il préférait de loin me voir jouer la tigresse, prête à bondir sur sa proie et même sur tout ce qui bouge et qui semble comestible. Je pouvais donc m'affubler de ce rôle de croqueuse d'hommes, jouant de mes charmes et de mes atouts. Je pouvais hanter les esprits et me délecter de cette odeur de peur. Je pouvais façonner doucement le monde comme bon me semblait.

Ce soir j'avais décidé de m'attaquer à autre chose... Ce soir je voyais les choses avec plus de piment, d'adrénaline, de danger... J'avais soif de sensation, à défaut de sexe. J'avais laissé Henry, mon dernier jouet en date, au placard. Ce soir, je lui foutais la paix. C'est bien connu, quand on joue trop longtemps, trop souvent, on finit par casser l'objet de son plaisir. Je ne voulais pas lui faire ça, ça serait un tel gâchis ! Oh non, ce soir j'avais envie de m'amuser, et non spécialement de chasser. L'humain était devenu tellement facile à abattre... Je m'en lassais. Je voulais quelque chose de plus brutal, de plus fort. Si bien que je me rendais dans un parc réputé pour être soit disant déserté des vampires. Selon les dires, mes congénères craignaient cet endroit, occupé par un clan rival. Voilà ce qu'il me fallait : de la baston ! Faire couiner de douleur quelques cabots puants me feraient un tel plaisir ! J'en jubilait par avance ! C'était prendre un risque, c'est vrai... Enfin, rien ne pouvait réellement m'effrayer. Ma puissance me conduisait bien souvent à de l'inconscience, et j'aimais ça ! Marchant à pas feutrés, je regardais partout autour de moi. Pas un loup dans le coin... M'aurait-on menti ? Je me voyais déjà faire craquer les cervicales du demeuré qui m'avait refilé cette information, jusqu'à les lui broyer ! J'avais même envie de faire demi-tour sur le champ ! Mais c'est à ce moment précis que je l'aperçu, un peu plus loin devant moi... Ma proie. Un sourire en coin, carnassier à souhait, se dessina sur mes fines lèvres. M'approchant aussi silencieusement qu'un courant d'air, je m'amusai à le suivre. Je le détaillais, l'observais, me faisais une idée de l'individu qu'il était. Jeune... Trop jeune peut-être pour avoir le cran de m'affronter. Il devait en être tout aussi fougueux, ce qui avait le don de m'exciter. Lorsqu'il se retourna, me fixant et m'interpellant, je restai figée sans un mot. J'affichai de même une mine faussement apeurée, décidant de me jouer de lui. La comédie et ses secrets.... Mmmh ! A me voir, on aurait dit un pauvre petit oisillon tombé du nid, complètement perdu et déboussolé. Bien évidemment, je savais parfaitement ce que je faisais. La partie commençait tout juste !

Je la dévisageais silencieusement, fronçant mes sourcils, elle semblait visiblement apeurée. Je ne pensais pas qu'elle soit une lycan comme moi, je n'avais pas vraiment encore développé tous mes sens mais vu son visage transpirant la crainte, j'en déduisais qu'elle n'était pas à son aise. Je me frottais l'arrière de la nuque, je n'avais pas vraiment l'instinct de prince charmant, sans être asocial, j'étais plutôt solitaire. Surtout cette dernière année où j'avais du prendre en compte une nature que je n'appréciais pas vraiment. Mais j'avais un minimum de savoir vivre, pour ne pas laisser une jeune femme, visiblement en détresse, mais peut être que c'était de moi qu'elle se méfiait. Après tout, je pouvais très bien être dangereux, je pouvais l'être une fois par mois, d'ailleurs. La pensée fut une amusante distraction à mon esprit, je ne voyais pas toujours cette situation avec humour. La plupart du temps, je maudissais cela, ses transformations douloureuses qui m'arrachait un peu plus mon humanité à laquelle, je me raccrochais pourtant du mieux que je pouvais, au point de ne pas vouloir rentrer dans le rang. Je devais probablement la rassurer même si je me demandais ce qu'elle pouvait faire seule au milieu de ce parc alors que la nuit était déjà bien sombre. Les rumeurs sur le quartier été fanfare, d'après ce qu'avait pu me dire ma famille. Je me devais de montrer rassurant, alors je laissais un sourire en coin se dessinait sur mon visage, plus amical et avenant, je le tentais néanmoins parce que mis à part ma voisine, je n'avais pas beaucoup de vie sociale. En même temps, je n'avais aucune envie de parler de mes petits secrets, cela ne favorisait nullement à avoir une vie normale.

" Perdue ? " tentais-je, en laissant mon regard dérivait sur les alentours. En même temps, si ce n'était pas la raison, alors je ne comprenais pas ce qu'elle pouvait faire dans le coin. Elle ne ressemblait pas à une menace, mais en même temps, j'avais tendance à laisser le bénéfice du doute à quelqu'un.

" Ecoute, il est tard, je peux peut être t'aider ? " Je grimaçais parce que je ne vois pas pourquoi, elle me ferait confiance, après tout même si j'étais un psychopathe, je ne me présenterais pas en tant que telle, soyons lucides. Je passes une main dans mes cheveux, et j'arbores un sourire un peu nerveux, à présent. Bizarrement, elle me rend mal à l'aise, et pas seulement parce que c'est une jolie fille. Ce n'est pas vraiment le genre de chose qui m'embarrasse en règle générale. Mais le fil de mes pensées me rends mal à l'aise, parce qu'au final, je ne peux m'empêcher de repenser aux paroles de mon très cher aïeul et de sa façon de me reprocher ma naïveté. Cette fille se trouve toute seule, au milieu d'un parc, pas forcément bien réputée, il doit bien y avoir une raison. Mais en même temps, elle m'adresse son regard de biche, ses grands yeux bleus, ses longs cheveux blonds, elle ressemble à une poupée fragile. Je maudis Hadrien pour avoir réussi à m'imprégner de sa paranoïa, mais avec ce que la secte Helios, nous fait subir, je me sens un peu plus méfiant. Si c'était une façon détourné pour m'utiliser à leurs fins. Ou si il avait appris les recours que j'avais eu pour pouvoir leur échapper et me procurer ce fameux médicament, ou plutôt ce remède qui se révélait vite addictif. Je le scrute alors avec intensité, essayant de lire et d'interpréter ses intentions. Si elle est vraiment aussi perdu qu'elle semble l'être ou si il s'agit d'un piège. Il serait peut être réellement temps que j'apprennes à me servir de mes instincts canins. Mais j'ai beau me concentrer, je renie tellement cette partie de moi que je ne peux pas la rappeller à mon compte, avec un léger claquement de doigts. Je n'ai plus qu'à rester sur mes gardes, même si elle est tellement désarmante d'innocence à première vue que c'est bien difficile pour moi.